Vivants
17,00 €
J’apprends à mon père à écrire son nom. Il tient bien le stylo entre ses trois doigts, il ne tremble pas. Est-il épaté ou troublé d’écrire pour la première fois de sa vie, à trente-six ans ?
Mon père est de cette génération qu’on a fait venir en France après la Seconde Guerre mondiale, pour reconstruire ce que les Américains et les Allemands avaient bombardé. Que de temps perdu, depuis les années qu’il est là. On aurait pu proposer aux ouvriers algériens des cours du soir, leur montrer ainsi un peu d’estime. Ils devraient tous savoir lire et écrire.
Mon père sourit, ses yeux brillent. Il est là, surpris, ému, parce qu’il voit bien que ce n’est pas si difficile que ça de se servir d’un stylo. À côté de lui, j’entends sa respiration, son souffle.
À quoi pense-t-il ce soir dans notre baraque ? Se dit-il qu’analphabète, il est une proie facile pour ses employeurs, un animal en captivité ?
La colère monte en moi.
Vivants est le sixième roman de Mehdi Charef, qui a notamment publié Le Thé au harem d’Archi Ahmed (1983) et réalisé onze films. Entre souvenirs d’une Algérie qui s’éloigne et expériences d’une France pas toujours accueillante, dans une cité de transit où le provisoire s’éternise, des enfants, des femmes et des hommes fêtent des naissances et des mariages, s’équipent en télévisions et en machines à laver, découvrent la contraception et les ambulances, rient, pleurent, s’organisent, s’entraident… vivent.
Cet ouvrage a été publié avec le précieux concours du Centre national du livre (CNL).
Mehdi Charef, né le 24 octobre 1952, a grandi à Ouled Charef (Beni-Oussine) et Maghnia, en Algérie, jusqu’en 1962, année de son départ pour la France. Il grandit alors dans le bidonville de Nanterre, en cité de transit puis en HLM. Il travaille comme affûteur-fraiseur de 1970 à 1983. Il envoie alors un manuscrit à Georges Conchon (notamment auteur de L’État sauvage), qui l’aide à publier son premier livre, Le Thé au harem d’Archi Ahmed, au Mercure de France en 1983. Il l’adapte au cinéma l’année suivante sur le conseil de Costa-Gavras, qui prend en charge la production, et obtient de nombreux prix (Prix Jean-Vigo 1985, César 1986 de la meilleure première œuvre).
Il publie trois autres romans au Mercure de France (Le Harki de Meriem, 1989 [réédition Agone, 2016], La Maison d’Alexina (1999), À bras le cœur (2006). Il a également participé au recueil Une enfance dans la guerre – Algérie 1954–1962 (Bleu autour). Le Thé au harem est paru en anglais chez Sepent’s Tail. Il écrit enfin une pièce de théâtre, 1962, le dernier voyage, en 2005.
Il réalise également dix autres films, dont il écrit lui-même le scénario : Miss Mona (1986), Camomille (1987), Au pays des Juliets (1991, sélectionné à Cannes), Pigeon vole (1995), La Maison d’Alexina (1999), Marie-Line (1999, avec Muriel Robin nominée pour le César de la meilleure actrice), La Fille de Keltoum (2001), Cartouches gauloises (2007), Les Enfants invisibles, « Tanza » (2008, collectif au profit de l’Unicef, avec notamment Spike Lee, Ridley Scott, John Woo et Emir Kusturica), Graziella (2015, avec Denis Lavant, Rossy de Palma et Claire Nebout).
Photo © Maya Mihindou
En savoir plus
Dans Rue des Pâquerettes (Hors d'atteinte, 2019), Mehdi Charef revenait sur son arrivée en France en 1962, dans le bidonville de Nanterre. Une fois celui-ci détruit, Vivants décrit la cité de transit dans laquelle il est relogé, un dispositif d'habitat précaire réservé par l'administration française aux populations immigrées qu'elle considérait non adaptées à un logement durable, mais dont le loyer était aussi élevé que celui d'un appartement en HLM. Une seule vraie différence distinguait la cité de transit du bidonville : l'eau courante.
Dans ce provisoire que les pères, la première génération d'immigrés, rêvent encore de quitter pour rentrer chez eux, la vie s'organise peu à peu. S'y côtoient des vendeurs de télévisions véreux, une bonne sœur venue faire de l'humanitaire autant qu'échapper à la monotonie du couvent, un boxeur floué par ses entraîneurs et des jeunes femmes en quête d'émancipation. Mehdi Charef, qui voit son expérience de l'Algérie natale se transformer progressivement en souvenirs, consignés comme autant d'impressions sensibles, prend conscience des injustices qui l'entourent. Il le sait : seules l'école et la maîtrise du français lui permettront d'échapper à l'usine, avenir auquel on le destine, et de transmettre sa colère, mais aussi sa joie d'être en vie.
Livre numérique
Le livre est disponible en version numérique sur le site Les Libraires
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Rencontres
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Événements passés
Tassadit Imache et Medhi Charef seront présents au Centre Pompidou, à Paris.
La rencontre avec Medhi Charef se déroulera à 15 h 30, son portrait sera fait par Fatima Daas et l’échange sera animé par la journaliste Hassina Mechaï.
La rencontre avec Tassadit Imache débutera à 16 h 15 en compagnie de Mame Fatou-Niang qui fera son portait et lui posera des questions.
Les deux rencontres seront filmées en direct et retransmises sur la chaîne YouTube du Centre Pompidou : https://www.youtube.com/watch?v=qz8-Ygjhn‑k.
Le 10 mars à 20 h, Mehdi Charef sera au Centre Pompidou à Paris pour une projection de son film Le Thé au harem d’Archimède en présence d’Alice Diop.
Dali Misha Touré, Mehdi Charef, Émilie Tôn, Agnès Mascarou, Arthur Brault-Moreau, Adeline de Lépinay, Nina Almberg et Elvire Duvelle-Charles dédicaceront leurs livres respectifs au salon Mi-livre mi-raisin les samedi 10 et dimanche 11 décembre 2022, à la Bellevilloise à Paris.
Les horaires des dédicaces sont à retrouver ci-dessous :
Samedi 10 décembre :
Dali Misha Touré, Cicatrices
Mehdi Charef, La Cité de mon père, Vivants, Rue des Pâquerettes
Émilie Tôn, Des rêves d’or et d’acier
Agnès Mascarou, Laisse tomber la nuit
Arthur Brault-Moreau, Le Syndrome du patron de gauche
Adeline de Lépinay, Organisons-nous !
Nina Almberg, La Dernière amazone
Elvire Duvelle-Charles, Féminisme et réseaux sociaux
Carte blanche Mehdi Charef au Musée national de l’histoire de l’immigration
293 Avenue Daumesnil
75012 Paris
Le 26 septembre 2020 à 16 h 30
Carte blanche à Mehdi Charef, lauréat du prix littéraire de la Porte Dorée 2020
Né en Algérie en 1952, romancier, scénariste et cinéaste, Mehdi Charef est arrivé en France en 1962. Il a connu les bidonvilles, les cités de transit et l’usine avant de publier quatre romans, tous au Mercure de France, et de réaliser onze films, dont Le Thé au harem d’Archimède (1984) et Graziella (2005). Son autobiographie « Rue des Pâquerettes » (Editions Hors d’Atteinte, 2019), qui évoque l’enfance de l’auteur à Nanterre, a été récompensée du Prix littéraire de la Porte Dorée 2020.
Le prix littéraire de la Porte Dorée, porté par le Musée national de l’histoire de l’immigration, récompense chaque année un roman ou un récit écrit en français et ayant pour thème l’exil, l’immigration, les identités plurielles ou l’altérité liée aux réalités migratoires. Le jury désigne le lauréat parmi une dizaine de titres de l’année éditoriale précédente, sélectionnés par le comité de lecture du Palais.
Pour cette carte blanche, Mehdi Charef a souhaité inviter Fatima Daas (« La petite dernière », premier roman paru en cette rentrée littéraire de septembre), Denis Lachaud (« Les métèques », sélection du prix littéraire de la Porte Dorée 2020), et Akli Tadjer (« Qui n’est pas raciste, ici ? », « Il était une fois peut-être pas », « Bel-Avenir », « Le porteur de cartable »…).
Rencontre animée par Mathieu Simonet, écrivain, juré du Prix littéraire de la Porte Dorée
Vente des ouvrages des auteurs assurée par la librairie Tschann (sous réserve)
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