Les premiers jours de l’inhumanité
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Les moyens de communication les plus puissants et les plus modernes offrent au mensonge, désormais « mécanisé », des possibilités susceptibles de le rendre à peu près irrésistible. Les mots sont plus que jamais capables de se transformer en armes meurtrières, au pouvoir de destruction quasiment illimité. Pendant les années de la guerre, les plumes ont été trempées dans le sang, et les épées dans l’encre.
Des Derniers Jours de l’humanité (1922) à Troisième nuit de Walpurgis (1933), l’écrivain et satiriste autrichien Karl Kraus n’a cessé de démonter les techniques visant à s’emparer des esprits pour écraser et détruire l’humanité. Le philosophe Jacques Bouveresse revient ici à ses analyses pour les confronter au monde actuel. Une propagande fondée sur l’émotion et la destruction de l’intellect, par laquelle on augmente la tolérance du peuple au mensonge et à la brutalité, accuse ses adversaires des atrocités qu’on commet, et fait croire ses électeurs à une revanche sociale qui n’est en réalité rien d’autre qu’une destruction de la démocratie : voilà qui n’est pas sans résonances avec le comportement de certains dirigeants contemporains.
Suivi d’un entretien avec Jacques Bouveresse, mené par Marie Hermann et Sylvain Laurens.
Né en 1940, mort en 2021, Jacques Bouveresse est un philosophe rationaliste dont les principales influences sont Ludwig Wittgenstein, dont il est un des plus importants commentateurs en France, le cercle de Vienne et la philosophie analytique. Élu au Collège de France en 1995, il en est devenu professeur honoraire en 2010. Ses domaines d’étude sont la philosophie de la connaissance, des sciences, des mathématiques, de la logique et du langage ; il s’intéresse également à des auteurs comme Robert Musil et Karl Kraus.
Héritier du rationalisme des Lumières, Jacques Bouveresse a dénoncé ce qu’il considérait comme des impostures scientifiques et intellectuelles, comme les « nouveaux philosophes », et s’est distancié du structuralisme et du post-modernisme, de Michel Foucault, Jacques Derrida ou Gilles Deleuze. Si la question de la recherche de la vérité est centrale dans son travail, il a également un grand souci de la modestie selon lui nécessaire aux intellectuels, de l’accessibilité de sa pensée et de la simplicité de son expression.
Il a notamment publié Rationalité et cynisme, Minuit, 1984 ; L’Homme probable. Robert Musil, le hasard, la moyenne et l’escargot de l’histoire, L’Éclat, 1993 ; Prodiges et vertiges de l’analogie. De l’abus des belles-lettres dans la pensée, Raisons d’agir, 1999 ; Schmock ou le Triomphe du journalisme. La grande bataille de Karl Kraus, Seuil, 2001 ; Que peut-on faire de la religion ?, Agone, 2011 ; Nietzsche contre Foucault : sur la vérité, la connaissance et le pouvoir, Agone, 2016 et, chez Hors d’atteinte, Les Premiers jours de l’inhumanité (2019) et Les Foudres de Nietzsche et l’aveuglement des disciples (2021).
Agrégée d’allemand, ancienne élève de l’ENS-Ulm, docteur en études germaniques et en littérature française, Florence Vatan est professeure à l’Université du Wisconsin à Madison. Autrice d’une thèse et de deux livres sur Musil, elle s’intéresse aussi aux liens entre littérature, science et philosophie dans l’oeuvre de Flaubert et de Baudelaire.
Né dans le Doubs en 1940, Jacques Bouveresse est un philosophe rationaliste dont les principales influences sont Ludwig Wittgenstein, le cercle de Vienne et la philosophie analytique. Élu au Collège de France en 1995, il en devient professeur honoraire en 2010. Ses domaines d’étude recouvrent la philosophie de la connaissance, des sciences, des mathématiques, de la logique et du langage ; il s’intéresse également à des auteurs comme Robert Musil et Karl Kraus. Il est mort le 9 mai 2021, à Paris.
photo © Patrick Imbert
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La description que donne Kraus du rapport très spécial que l’innocent persécuteur entretient avec le mensonge correspond si exactement au chef de la démocratie la plus puissante du monde qu’elle pourrait presque sembler faite par anticipation pour lui. Lui aussi a compris mieux que personne que la meilleure façon de mentir est d’accuser les autres d’être ceux qui le font, et de le faire en particulier quand ils disent la vérité à son sujet. C’est donc le menteur – que le fait de ne tenir, pour sa part, aucun compte de la vérité ne gêne pas le moins du monde, mais qui sait qu’il peut être important pour ses adversaires de ne pas risquer d’en être soupçonné – qui accuse les autres d’inventer et de diffuser des fake news.
« On n’arrive pas à croire à quel point on doit tromper un peuple pour le gouverner », écrivait Adolf Hitler dans une des premières versions – amendée par la suite – de Mein Kampf. Alors qu’aujourd’hui le contexte international offre régulièrement la tentation d’établir des parallèles avec les années 1930, le philosophe Jacques Bouveresse revient aux écrits du fervent opposant autrichien au nazisme Karl Kraus pour le confronter à la période actuelle. Une propagande fondée sur l’émotion et la destruction de l’intellect, consistant à augmenter la tolérance du peuple au mensonge et à la brutalité, à accuser ses adversaires des atrocités qu’on commet soi-même et à faire croire ses électeurs à une revanche sociale qui n’est en réalité rien d’autre qu’une destruction de la démocratie : voilà qui n’est pas sans résonances avec le comportement de certains dirigeants actuels, que ce livre éclaire différemment.
Jacques Bouveresse revient ainsi que des concepts comme l’innocence persécutrice, l’indifférence complète à la vérité, l’anti-intellectualisme et la revendication d’un droit de légitime défense contre la logique, que Kraus attribuait aux nazis et qui lui semblent transposables notamment à Donald Trump.
Il revient également sur l’idée qu’une « bonne guerre » arrange tout, que c’est une épreuve nécessaire qui purifie, régénère un peuple, en ayant sur lui des effets roboratifs et thérapeutiques, en rappelant qu’elle sert surtout à rendre « le vainqueur bête et le vaincu méchant », ainsi qu’à habituer le peuple à la brutalité de la vie politique, ainsi qu’à le rendre moins sensible à la mort, notamment de ses intimes.
La guerre participe d’un autre phénomène : la propagande. « C’est tout simple. On n’a besoin de rien faire d’autre que de dire au peuple qu’il est attaqué et reprocher aux pacifistes leur manque de patriotisme et affirmer qu’ils mettent le pays en danger. Cette méthode fonctionne dans n’importe quel pays », déclarait Hermann Goering, dirigeant de premier plan du IIIe Reich. Mais la propagande, même appuyée sur les mensonges les plus éhontés, ne suffit pas à faire croire le peuple à ce à quoi on veut qu’il croie. Il s’agit aussi d’investir l’espace du sentiment, de l’âme, sacrifier l’intellect pour développer une idéologie qui se présentera comme le simple reflet de la volonté et de la pensée du peuple, qu’il sera impossible de démontrer ou de combattre intellectuellement. Il s’agit aussi de dire des mensonges que le peuple aura envie de croire : parce qu’ils donnent une explication simple à des choses complexes, ou parce qu’ils lui donnent le sentiment de pouvoir prendre des revanches. Et surtout à le faire agir, qu’il croie ou non.
On peut finalement dire que cette propagande vient rencontrer une aspiration personnelle à une forme de transcendance, le sentiment de prendre part à une religion civique, à des rituels collectifs, et plus largement à une grande entreprise de rénovation radicale ; et de permettre à un envoyé de Dieu d’être prophète.
Enfin, nous dit Bouveresse, pour que tout cela fonctionne, il a d’abord fallu attaquer le concept de vérité. Et c’est bien ce qui s’est passé selon lui chez la grande majorité des représentants du monde intellectuel actuel, qui, notamment au nom de l’imagination, de la créativité, de la poésie, de la « pensée », l’ont accusée d’être liée au pouvoir et au conservatisme, et lui ont préféré la croyance, entrant ainsi déjà eux-mêmes dans ce qu’on appelle aujourd’hui l’ère de la « post-vérité ». Or, montre le philosophe, là où on n’accorde plus de valeur à la vérité, on n’en accorde plus non plus à la signification : et les mots ne veulent plus rien dire.
Né dans le Doubs en 1940, Jacques Bouveresse est un philosophe rationaliste dont les principales influences sont Ludwig Wittgenstein, dont il est un des plus importants commentateurs en France, le cercle de Vienne et la philosophie analytique. Élu au Collège de France en 1995, il en est professeur honoraire depuis 2010. Ses domaines d’étude sont la philosophie de la connaissance, des sciences, des mathématiques, de la logique et du langage ; il s’intéresse également à des auteurs comme Robert Musil et Karl Kraus.
Héritier du rationalisme des Lumières, Jacques Bouveresse a dénoncé ce qu’il considérait comme des impostures scientifiques et intellectuelles, comme les « nouveaux philosophes », et s’est distancié du structuralisme et du post-modernisme, de Michel Foucault, Jacques Derrida ou Gilles Deleuze. Si la question de recherche de la vérité est centrale dans son travail, il a également un grand souci de la modestie selon lui nécessaire aux intellectuels, de l’accessibilité de sa pensée et de la simplicité de son expression.
Il a notamment publié Rationalité et cynisme, Minuit, 1984 ; L’Homme probable. Robert Musil, le hasard, la moyenne et l’escargot de l’histoire, L’Éclat, 1993 ; Prodiges et vertiges de l’analogie. De l’abus des belles-lettres dans la pensée, Raisons d’agir, 1999 ; Schmock ou le Triomphe du journalisme, La grande bataille de Karl Kraus, Seuil, 2001 ; Que peut-on faire de la religion ?, Agone, 2011 ; Nietzsche contre Foucault : sur la vérité, la connaissance et le pouvoir, Agone, 2016.
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Le livre est disponible en version numérique sur le site Les Libraires
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Rencontres
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Événements passés
Tassadit Imache et Medhi Charef seront présents au Centre Pompidou, à Paris.
La rencontre avec Medhi Charef se déroulera à 15 h 30, son portrait sera fait par Fatima Daas et l’échange sera animé par la journaliste Hassina Mechaï.
La rencontre avec Tassadit Imache débutera à 16 h 15 en compagnie de Mame Fatou-Niang qui fera son portait et lui posera des questions.
Les deux rencontres seront filmées en direct et retransmises sur la chaîne YouTube du Centre Pompidou : https://www.youtube.com/watch?v=qz8-Ygjhn‑k.
Le 10 mars à 20 h, Mehdi Charef sera au Centre Pompidou à Paris pour une projection de son film Le Thé au harem d’Archimède en présence d’Alice Diop.
Dali Misha Touré, Mehdi Charef, Émilie Tôn, Agnès Mascarou, Arthur Brault-Moreau, Adeline de Lépinay, Nina Almberg et Elvire Duvelle-Charles dédicaceront leurs livres respectifs au salon Mi-livre mi-raisin les samedi 10 et dimanche 11 décembre 2022, à la Bellevilloise à Paris.
Les horaires des dédicaces sont à retrouver ci-dessous :
Samedi 10 décembre :
Dali Misha Touré, Cicatrices
Mehdi Charef, La Cité de mon père, Vivants, Rue des Pâquerettes
Émilie Tôn, Des rêves d’or et d’acier
Agnès Mascarou, Laisse tomber la nuit
Arthur Brault-Moreau, Le Syndrome du patron de gauche
Adeline de Lépinay, Organisons-nous !
Nina Almberg, La Dernière amazone
Elvire Duvelle-Charles, Féminisme et réseaux sociaux
Médiathèque Elsa-Triolet de Villejuif
1 Espl. Pierre-Yves Cosnier
94800 Villejuif
Le samedi 14 décembre à 16 h 30
Médiathèque Abdelmalek Sayad
Musée de l’histoire de l’immigration
Palais de la Porte Dorée
293, avenue Daumesnil
75012 Paris
Mehdi Charef présentera son livre, « Rue des Pâquerettes », à la librairie Floury Frères 36, Rue de la Colombette à Toulouse. Le 19 septembre 2019 à 18 h 30.
Une rencontre avec Mehdi Charef autour de “Rue des Pâquerettes”.
Mehdi Charef et Kamel Khélif.
Rencontre animée par Élodie Karaki.
Après 13 ans d’absence, Mehdi Charef revient à la littérature. On se souvient du Thé au harem d’Archi Ahmed, le premier livre de ce fils d’immigrés algériens paru en 1983, roman pionnier, simple et cru, sur la réalité des ensembles HLM (qu’on n’appelait pas encore des « cités ») et qu’il mit lui-même en scène au cinéma sur le conseil de Costa Gavras.
Son nouveau roman, Rue des Pâquerettes, nous ramène vingt ans plus tôt, en 1962, lorsque, âgé de 10 ans, il rejoint en famille son père dans le bidonville de Nanterre. Baraquements précaires, robinet collectif, froid, boue : le jeune Mehdi découvre l’humiliation et le racisme ordinaire d’une France où les ratonnades sont fréquentes. Mais il rencontre aussi un instituteur qui lui apprend à aimer les livres – ceux de Victor Hugo notamment – et cet amour des mots et de la littérature va créer les conditions de sa liberté.
Histoire similaire pour Kamel Khélif : arrivé d’Alger en 1964 pour retrouver son père dans le bidonville de Sainte-Marthe, à Marseille, c’est le dessin qui lui servira de refuge. Dans son nouvel et somptueux album BD aux cases sombres, entre polar et autobiographie, le récit débute alors que la nuit pénètre dans un appartement et empêche le narrateur de continuer à dessiner. Guidé par une force intérieure, il descend dans les rues de Marseille et croise celles et ceux qui un jour ont pris la route, de Tanger, Lisbonne ou d’ailleurs, dans l’espoir d’une vie meilleure qu’ils n’ont jamais pu vivre.
Rencontre avec deux belles personnalités qui font jaillir l’humanité d’existences fragiles et cabossées, au moment où leur pays d’origine, l’Algérie, vit un tournant de son histoire.
À lire
- Mehdi Charef, Rue des Pâquerettes, Hors d’atteinte, 2019.
- Kamel Khélif, Même si c’est la nuit, Otium, 2019.
Mehdi Charef participera à une table ronde sur la littérature post-coloniale avec Kidi Bebey dans le cadre du
Salon littéraire Littexil (le salon de la littérature de l’exil)
Palais de la Porte dorée
293 avenue Daumesnil 75012 Paris
Le 20 avril 2019 à 15 heures.
Mehdi Charef présentera son nouveau livre, « Rue des Pâquerettes », à l’occasion de “Parlons livres” à la bibliothèque Mille pages
13, rue de Montigny
95660 Champagne sur Oise
Le samedi 13 avril à 10 h 30
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