Le Livre
« Maman, c’est quoi un harki ? »
Accroupie devant le réfrigérateur ouvert, Meriem se raidit brusquement, oubliant ce qu’elle cherchait dans le bac à légumes. Après un long silence et sans se retourner, elle dit :
« C’est quelqu’un qui a eu le courage de tout perdre pour faire vivre sa famille. »
Répudiée par son premier mari parce que réputée infertile, Meriem épouse Azzedine, devenu harki ni par conviction politique, ni par adhésion au régime colonial français, mais parce qu’il avait faim. Quand l’Indépendance arrive, ils gagnent la France sur les mêmes bateaux que les pieds-noirs et les colons. Ils y endossent avec leurs enfants le poids de l’exil, le stigmate de la trahison, la morsure de l’injustice et le racisme d’un pays qui ne les a jamais envisagés.
Mehdi Charef, qui a notamment publié Le Thé au harem d'Archi Ahmed (1983) et réalisé onze films, a publié aux éditions Hors d’atteinte Rue des Pâquerettes, Vivants, La Cité de mon père et La Lumière de ma mère (2019-2022). Le Harki de Meriem, son deuxième roman, est paru pour la première fois aux éditions Calmann-Lévy en 1989.
« Rejetant tout manichéisme, Mehdi Charef fait d'une figure contestée du récit national algérien - c'est un euphémisme - une autre victime de l'injustice. Cinquante ans plus tard, la société française se débat encore avec ces problématiques. » Mediapart
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« La force du récit réside dans sa complexité et son rejet du manichéisme. L’autre réussite de Mehdi Charef est de faire d'une figure contestée du récit national algérien – c'est un euphémisme – une autre victime de l'injustice. Cinquante plus tard, le temps semble avoir figé ces problématiques : la société française se débat encore avec elles. » Mediapart
« Roman de la mémoire brisée et de la cicatrice. » Hommes et migrations
« Datant de presque 30 ans, ce texte demeure spectaculaire avec sa simplicité orchestrée, montrant dans sa crudité aussi bien ce racisme ordinaire et viscéral – hors de tout contexte religieux – qu’il est toujours de meilleur ton ces temps-ci de minimiser. » Librairie Charybde
Le point de départ de ce livre est une scène que Mehdi Charef a vécue à 11 ans, dans la cité de transit où il vivait avec sa famille à Nanterre. Un matin, avant de partir à l’école, il découvre la porte de la baraque d’en face maculée d’un grand « H » peint en rouge. L’homme qui y avait emménagé la veille avec sa femme et ses enfants, identifié comme « harki », est contraint de plier bagages le jour même.
« On ne les aimait pas, les harkis, car les Français tuaient les nôtres et parmi eux il y avait des harkis », raconte Mehdi Charef. Il poursuit : « C’est le seul livre que ma famille n’a pas voulu lire jusqu’à aujourd’hui. C’est difficile car on pense à son frère, à ses sœurs, à son père, on pense à la communauté algérienne. Mais, moi, je n’oublierai jamais l’humiliation qu’ont subie ce père, sa femme et leurs deux enfants. »
En 1959, dans le village de Ben-Essedik, dans l’ouest de l’Algérie, Azzedine est si pauvre qu’il lui est même impossible d’imaginer un avenir. Pour pouvoir manger et espérer fonder une famille, il s’engage aux côtés des 400 000 Algériens soldats de l’armée française. Ne pensant ni à la politique, ni à la possibilité que l’Algérie obtienne son indépendance, ni à l’obligation qu’il aura de tirer sur les siens, il endosse la figure du traître.
En 1962, en même temps que les pieds-noirs et les colons, Azzedine et Meriem, sa femme, répudiée par un autre parce que considérée comme infertile, quittent l’Algérie pour la France. À Rouen, il s’échine à devenir un employé modèle dans la compagnie de bus qui l’emploie. Leurs deux enfants, Sélim et Saliha, sont marqués du même sceau que lui ; en 1989, Sélim est victime d’un crime raciste.
Tout ce temps, Meriem aura endossé le poids de l’exil, le stigmate de l’ennemi, la morsure de l’injustice.
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