La Passion de l’exactitude. Robert Musil et la philosophie
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Jacques Bouveresse interroge la philosophie, sa légitimité et son sens, à partir de l'œuvre de l'écrivain Robert Musil.
Musil dit de la littérature qu’elle utilise des connaissances, mais n’en produit pas de spécifiques. Il admet en revanche que certaines philosophies réussissent à nous procurer une connaissance ; d’autres agissent sur l’esprit d’une façon qui ressemble davantage à celle de certaines œuvres littéraires.
Pourquoi Jacques Bouveresse (1940–2021) s’est-il autant intéressé à Robert Musil (1880–1942), un écrivain bien éloigné de la philosophie traditionnelle ? Ils partageaient sans nul doute une grande indépendance, un attrait pour la philosophie des chemins de traverse, une profonde méfiance à l’égard des modes et une préoccupation pour les notions de vérité et de croyance. Jusqu’à la fin de sa vie, Bouveresse aura défendu l’idée que Musil était un penseur utile dans les temps obscurs et incertains où nous vivons. Dans ce texte inédit, il en profite pour opérer un retour critique sur sa propre discipline et s’interroge autant sur son sens que sur sa légitimité.
Né en 1940, mort en 2021, Jacques Bouveresse est un philosophe rationaliste dont les principales influences sont Ludwig Wittgenstein, dont il est un des plus importants commentateurs en France, le cercle de Vienne et la philosophie analytique. Élu au Collège de France en 1995, il en est devenu professeur honoraire en 2010. Ses domaines d’étude sont la philosophie de la connaissance, des sciences, des mathématiques, de la logique et du langage ; il s’intéresse également à des auteurs comme Robert Musil et Karl Kraus.
Héritier du rationalisme des Lumières, Jacques Bouveresse a dénoncé ce qu’il considérait comme des impostures scientifiques et intellectuelles, comme les « nouveaux philosophes », et s’est distancié du structuralisme et du post-modernisme, de Michel Foucault, Jacques Derrida ou Gilles Deleuze. Si la question de la recherche de la vérité est centrale dans son travail, il a également un grand souci de la modestie selon lui nécessaire aux intellectuels, de l’accessibilité de sa pensée et de la simplicité de son expression.
Il a notamment publié Rationalité et cynisme, Minuit, 1984 ; L’Homme probable. Robert Musil, le hasard, la moyenne et l’escargot de l’histoire, L’Éclat, 1993 ; Prodiges et vertiges de l’analogie. De l’abus des belles-lettres dans la pensée, Raisons d’agir, 1999 ; Schmock ou le Triomphe du journalisme. La grande bataille de Karl Kraus, Seuil, 2001 ; Que peut-on faire de la religion ?, Agone, 2011 ; Nietzsche contre Foucault : sur la vérité, la connaissance et le pouvoir, Agone, 2016 et, chez Hors d’atteinte, Les Premiers jours de l’inhumanité (2019) et Les Foudres de Nietzsche et l’aveuglement des disciples (2021).
Agrégée d’allemand, ancienne élève de l’ENS-Ulm, docteur en études germaniques et en littérature française, Florence Vatan est professeure à l’Université du Wisconsin à Madison. Autrice d’une thèse et de deux livres sur Musil, elle s’intéresse aussi aux liens entre littérature, science et philosophie dans l’oeuvre de Flaubert et de Baudelaire.
Né dans le Doubs en 1940, Jacques Bouveresse est un philosophe rationaliste dont les principales influences sont Ludwig Wittgenstein, le cercle de Vienne et la philosophie analytique. Élu au Collège de France en 1995, il en devient professeur honoraire en 2010. Ses domaines d’étude recouvrent la philosophie de la connaissance, des sciences, des mathématiques, de la logique et du langage ; il s’intéresse également à des auteurs comme Robert Musil et Karl Kraus. Il est mort le 9 mai 2021, à Paris.
photo © Patrick Imbert
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Jacques Bouveresse avait déjà abordé l’œuvre de Robert Musil dans deux ouvrages : L'Homme probable, le hasard, la moyenne et l'escargot, publié chez L'Éclat en 1993 (rééd. 2004) ; et La Voix de l'âme et les chemins de l'esprit. Dix études sur Robert Musil, publié au Seuil en 2001. Il s’y intéresse notamment aux notions de possible et de probable autour desquelles Musil a ordonné sa philosophie du devenir de l'humanité et sa conception de l'histoire. Selon ses propres dires, l’écrivain autrichien né en 1880 et mort en 1942, auteur du magistral L’Homme sans qualités (1930), est le penseur dont il s’est senti le plus proche.
Pourquoi Jacques Bouveresse s’est-il autant intéressé à un écrivain dont le projet intellectuel est très éloigné des modes de réflexion philosophiques traditionnels ? On peut y voir un parti pris frondeur et l’expression d’une philosophie buissonnière, adepte des chemins de traverse de la « discipline reine » du champ intellectuel français.
Jacques Bouveresse s’est retrouvé dans cet écrivain intempestif et dissident, profondément méfiant à l’égard des modes et des certitudes du moment, qui défendait des thèses à contre-courant de l’irrationalisme ambiant et traçait sa voie en toute indépendance. La marginalité de Musil, à la fois subie et assumée, le plaçait dans une position d’extériorité d’où il pouvait analyser avec une grande lucidité les débats littéraires et intellectuels de son époque.
Ce texte-ci, inédit et resté inachevé, est issu d'une conférence donnée à l’université de Vienne en octobre 2008 sous le titre « Robert Musil et la philosophie », repris et complété en septembre 2010 à l’occasion d’un colloque à la Sorbonne intitulé « Musil et Wittgenstein ». Nous ne saurons jamais si Jacques Bouveresse projetait d’en faire un livre, comme le suggère l’intitulé du fichier informatique retrouvé sur son ordinateur, « MUSIL II », ou un long essai.
S’intéressant aux préoccupations philosophiques de Musil, qu’il s'agisse de philosophies singulières (Wittgenstein, l’École de Vienne, Nietzsche) ou de problèmes spécifiques comme la question de la croyance, celle de la connaissance littéraire, la valeur de la vérité, ou encore les mésalliances entre littérature et philosophie telles que Bouveresse les diagnostique dans la philosophie postmoderne, Bouveresse s'interroge sur ce qui constitue la légitimité d’une parole philosophique, en marge des balises disciplinaires et des vogues intellectuelles – question qui reste centrale et d'une grande actualité. Il aborde également la nature équivoque de la philosophie, tiraillée entre une orientation scientifique et une orientation littéraire, entre un versant systématique et un versant essayiste. Son dialogue avec Musil lui permet enfin d’opérer un retour critique sur sa propre discipline et de s’interroger sur ce que philosopher veut dire.
Jusqu’à la fin de sa vie, Jacques Bouveresse a défendu l’idée que Musil était un penseur utile dans les temps obscurs et incertains où nous vivons.
Livre numérique
Le livre est disponible en version numérique sur le site Les Libraires
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